La colère et l’oubli : les démocraties face au djihadisme européen

Brève proposée par Béatrice Giblin dans l'émission Comment la dette a disparu du débat public / Tensions franco-italiennes et nouveau pacte asile et migration de la Commission européenne / n°297 / 14 Mai 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

La colère et l’oubli : les démocraties face au djihadisme européen

Béatrice Giblin

"L’ouvrage que je vous recommande est moins léger que Carmen. Hugo Micheron est un chercheur dont j’apprécie beaucoup le travail. Il s’agit d’une enquête très approfondie, le travail de recherche est extrêmement sérieux, Micheron parle parfaitement l’arabe, ses sources sont donc très directes. C’est une interrogation sur l’origine du djihadisme en Europe, mais aussi sur son devenir. Comment on est passés de la colère à l’oubli. La question du djihadisme reste très présente, car les gens radicalisés emprisonnés commencent à être libérés, et rien n’indique que leurs convictions aient changé … Au-delà des attentats, il s’agit de réussir à comprendre ce qui a permis au djihadisme de devenir cet enjeu politique, sociétal et démocratique absolument majeur. Le livre montre comment des Etats aux histoires très différentes, qu’ils aient un passé colonialiste ou non, ont connu cette implantation du djihadisme. Comment des petits groupes ont eu une réelle stratégie d’entrisme dans certains quartiers, et les conséquences que cela a pu avoir. Vraiment remarquable. "


Les autres brèves de l'émission :

Rétrospective Louis Malle

Philippe Meyer

"Je me suis récemment replongé dans la filmographie de Louis Malle. Il mériterait bien une rétrospective, mais il est vrai que son parcours d’électron libre dans le cinéma ne lui donne pas souvent droit à ce genre d’éclairage. Tous ses films sont accessibles sur internet, on peut donc se faire chez soi sa propre rétrospective sur mesure. On reverra avec beaucoup de plaisir « Zazie dans le métro », réussite totale de l’adaptation cinématographique d’un certain ton littéraire, celui de Queneau, mélange très singulier d’insolence et de fantaisie. On pense évidemment à « Ascenseur pour l’échafaud » ou aux « Amants ». On peut s’émerveiller de la diversité d’inspiration de ses films, du « Voleur » (magnifique adaptation de l’écrivain anarchiste Georges Darien), à « Milou en Mai » en passant par « Au revoir les enfants » très prenant et certainement autobiographique, « Le souffle au cœur », « My dinner with André » (sorte de non-film) ou « Lacombe Lucien », qui en son temps avait suscité de grands débats. "


Macron - Poutine : les liaisons dangereuses

Michaela Wiegel

"Je vous recommande ce livre d’Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro. Elle y décortique le réseau qui a pu amener des responsables politiques français à s’aveugler sur les véritables intentions de Vladimir Poutine. Elle décrit également cette tendance à envisager la Russie d’une façon qui correspond à un ressenti français, mais pas à la réalité russe. Elle est souvent assez dure dans ses jugements, mais on est mieux armé pour analyser l’actualité après la lecture de ce livre."


Le Grand Palais immersif

Nicole Gnesotto

"Une fois n’est pas coutume, ma brève sera négative. Elle s’efforcera de vous dissuader de tomber dans un piège, celui du « Grand Palais immersif », qui propose une rétrospective consacrée à Alfons Mucha, qui est un grand artiste. En revanche, l’immersion promise n’est qu’une grande arnaque. Elle a lieu dans un entrepôt de l’Opéra, en béton brut, pas peint, peut-être même pas nettoyé, et quasiment dans le noir. On peut y voir trois ou quatre projections vidéos de peintures de Mucha, sans aucune explication, quelques kakémonos très mal reproduits, mais surtout une immense boutique de souvenirs estampillés « Mucha ». Je trouve que c’est vraiment prendre le visiteur pour un imbécile que de présenter cela comme une nouvelle forme muséale qui vous plonge dans l’œuvre d’un auteur d’une façon absolument inédite. On nous promet par exemple « les odeurs de Mucha », alors il faut appuyer sur un bouton et vous sentez la rose, bref c’est parfaitement ridicule, et assez cher (16 euros par personne). Bref, une arnaque dont on peut se passer. "


Georges et Carmen

François Bujon de L’Estang

"L’Opéra Comique vient de donner une bonne nouvelle production de Carmen, qui avait le mérite de la simplicité, de la légèreté et de l’absence de prétention. L’œuvre était très bien dirigée par Louis Langrée et le rôle titre admirablement bien tenu par Gaëlle Arquez. Mais surtout c’était un retour historique sur cette scène, puisque c’est dans la salle Favart que l’opéra fut créé, avant de passer au « grand » Opéra. A cette occasion je signale un roman que j’ai trouvé très plaisant, signé du cinéaste Jean Rousselot. C’est l’histoire romancée de la création de Carmen par Georges Bizet, qui comme chacun sait est mort à 36 ans, alors qu’on donnait la 33ème représentation de son œuvre, qui tardait à avoir du succès. Il eut une idylle avec Célestine Galli-Marié, la cantatrice qui fut la première Carmen à l’Opéra de Paris. Le roman est tout à fait délicieux, il est à la fois une illustration des affres de la création artistique et d’autre part des effets de miroir qui peuvent exister entre cette création et la vraie vie. "