Quel avenir pour la dissuasion nucléaire ?

Brève proposée par Nicole Gnesotto dans l'émission La Turquie après le séisme / La droite française pourra-t-elle survivre à la réforme des retraites ? / n°286 / 26 février 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Quel avenir pour la dissuasion nucléaire ?

Nicole Gnesotto

"Mon conseil de lecture concerne la dissuasion nucléaire, un aspect très particulier de la guerre en Ukraine, à propos duquel on se rend compte que les gens sont souvent très mal informés. On entend des choses un peu surréalistes sur ce qu’est la dissuasion nucléaire, ou sur ce que pourrait être l’emploi de l’arme atomique. C’est pourquoi ce tout petit ouvrage sera si précieux. Il est paru en octobre dernier, et il est signé de Bruno Tertrais, le meilleur spécialiste français (voire européen) de la dissuasion nucléaire. C’est un très long article, ou un livre très court, qui est accessible gratuitement en ligne. Tout y est : les différents concepts, l’historique, les débats et surtout les questions pour l’avenir. En particulier celle de la moralité de la dissuasion ou de l’emploi de l’arme nucléaire, mais aussi la prolifération iranienne comparée à celle d’Israël, la spécificité de l’arme nucléaire française, l’échec de la dissuasion en Ukraine. Une lecture extrêmement pédagogique et très éclairante. "


Les autres brèves de l'émission :


L’appel de la tribu

Nicolas Baverez

"Dans notre conversation d’aujourd’hui, Richard Werly s’est demandé où trouver une droite intelligente. Nous avons désormais bien compris qu’il est inutile de la chercher dans la vie politique française, on sera sans doute mieux inspiré de lire ce livre de Mario Vargas Llosa. Il s’agit d’une autobiographie intellectuelle, où l’on croise le panthéon personnel de l’auteur. On suit la façon dont il est passé du marxisme au libéralisme, accompagné de sept penseurs d’envergure. Adam Smith, José Ortega y Gasset, Friedrich von Hayek, Karl Popper, Isaiah Berlin, et deux Français : Raymond Aron et Jean-François Revel. "


Les dimanches de Jean Dézert

Philippe Meyer

"Je voudrais signaler la parution aux éditions Finitude du seul roman de Jean de La Ville de Mirmont, mort dans les premières semaines de la première guerre mondiale, dont le nom nous est un peu connu comme poète, auteur du recueil posthume L’Horizon chimérique qui inspira Gabriel Fauré et Julien Clerc. Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte / Le dernier de vous tous est parti sur la mer / Le couchant emporta tant de voiles ouvertes / Que ce port et mon cœur sont à jamais déserts / La mer vous a rendus à votre destinée / Au-delà du rivage où s'arrêtent nos pas / Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées / Il vous faut des lointains que je ne connais pas /Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre / Le souffle qui vous grise emplit mon cœur d'effroi / Mais votre appel, au fond des soirs, me désespère / Car j'ai de grands départs inassouvis en moi. / Le Roman de Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert a pour héros un « figurant de la vie », un être naïf et conformiste qui n’a aucun départ inassouvi en lu, Un employé au ministère de l'encouragement ou bien direction du matériel. Au bureau comme dans la vie il ressemble nous dit l'auteur à ses choristes des théâtres d'opéras qui tout en songeant à leurs affaires personnelles ouvre la bouche en même temps que les autres pour avoir l'air de chanter avec eux. Cyril Piroux, dont la thèse porte sur « la figure littéraire du rond de cuir » parle à propos des dimanches de Jean Dézert, de l’art de faire un livre sur presque rien. Jean de La Ville de Mirmont maîtrise cet art doux-amer et les spirituelles illustrations que Christian Calleaux a réalisées pour cette édition ont la même saveur."


Hiver 1812 : retraite de Russie

Richard Werly

"Puisque nous célébrons cette semaine le triste anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine, je vous recommande ce livre, dans lequel Michel Bernard nous fait vivre les campagnes napoléoniennes « de l’intérieur », par des journaux de soldats par exemple. Le récit de ce face-à-face entre la vision « occidentale » de Napoléon et ce mur russe de l’empire tsariste. En septembre 1812, Napoléon va vers Moscou. « Mais où commençait l’Est, où commençait l’Ouest ? Et que faire de la Pologne ? Les Anglais n’avaient guère eu besoin de manœuvrer. Les Russes, battus deux fois, à Austerlitz puis à Friedland, momentanément résignés, avaient souscrit à la paix napoléonienne par nécessité, sans conviction. Les inquiétaient la renaissance éventuelle d’un Etat polonais ragaillardi, sous l’aile française et le coût du blocus continental pour leur fragile économie. Tout en s’étonnant, avec une fausse candeur, des protestations et mises en garde de ses partenaires, la Russie incorporait de nouveaux contingents de soldats, les équipait et concentrait ses divisions. La guerre couvait ». Aujourd’hui, si vous remplacez « Pologne » par « Ukraine », tout y est. "


Faith Ringgold

Lucile Schmid

"Je vous conseille d’aller voir l’exposition de Faith Ringgold au Musée Picasso, à Paris. C’est la première rétrospective française de cette peintre américaine, qui a accompagné le mouvement des Black Panthers. Pour des raisons d’espace, il n’y a qu’une cinquantaine d’œuvres, mais elles sont remarquables. Faith Ringgold se forme aux arts à New York à une époque où les femmes n’en ont pas le droit. Elle apprend donc en travaillant directement avec des peintres. C’est un voyage à travers l’Europe, notamment en Italie et en France, qui va lui permettre de prendre son envol. Il y a des tableaux très figuratifs, puis son travail évolue vers des œuvres beaucoup plus composites, dans lesquelles elle assemble des matériaux divers. Une série la met en scène dans le Paris des années 1930. Pour cette artiste, la question noire a toujours été liée à la question de l‘émancipation féminine. Faith Ringgold a aujourd’hui 92 ans, et dit : « je ne peux pas penser aujourd’hui à une période plus libératrice dans ma vie que les années 1960. C’est alors que j’ai appris à porter mes cheveux au naturel. Plus de peigne chaud dans mes cheveux. Black is beautiful. Black pride and Black power en un seul geste ». Je trouve extraordinaire la façon dont elle se réfère à son corps pour porter cette ambition artistique et politique. "