Le silence et la colère

Brève proposée par Nicole Gnesotto dans l'émission Le Brexit six ans après / Les réformes institutionnelles du président / n°284 / 12 février 2023, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Le silence et la colère

Nicole Gnesotto

"Je viens de terminer le cinquième tome de la série historique de Pierre Lemaitre, et vous le recommande chaudement. Après le prix Goncourt en 2013 pour Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre a poursuivi son Histoire de France « par le bas ». Histoire d’une famille créée par l’escroc du premier roman. Après l’exode de 1940 et la guerre d’Indochine, nous sommes à présent en 1952, avec les descendants des premiers protagonistes. Il y a des thèmes que j’ai complètement découverts, par exemple la question de l’avortement à la fin de la seconde guerre mondiale, avec ces commissaires à la natalité, qui traquaient les femmes osant avorter. On y trouve aussi une réflexion sur la modernité ou sur le journalisme. C’est à la fois réel et parfaitement romanesque, on y trouve des personnages incroyables, comme Geneviève, qui est l’incarnation la plus extraordinaire (avec peut-être Folcoche) de la méchanceté maternelle."


Les autres brèves de l'émission :

Les sources

Isabelle de Gaulmyn

"Après la Hongrie et l’Ukraine, je vous emmène pour ma part dans le Cantal, dans les années 1960, avec le dernier roman de Marie-Hélène Lafon. Il est question de violence conjugale, et plus précisément des violences infligées aux femmes, mais l’autrice approche le sujet d’une manière très intéressante. On ne comprend de quoi il est question que petit à petit, si bien qu’on vit soi-même cette espèce d’enfermement, cette terreur de la femme battue (surtout dans un milieu rural où l’isolement est renforcé). Et puis, Marie-Hélène Lafon donne aussi la parole à l’homme, pour qui le fait de battre sa femme n’est absolument pas problématique. Ce roman offre une manière à la fois nuancée et profonde d’entrer dans ce sujet dont on parle beaucoup. "


Dernier jour à Budapest

Philippe Meyer

"La Hongrie contemporaine ne nous donne pas beaucoup de raisons de l'aimer. Raison de plus pour aller la chercher là où elle est éminemment aimable, c’est-à-dire dans sa littérature. Je voudrais donc recommander Dernier jour à Budapest de Sándor Márai que l’on trouve au Livre de poche. Màrai imagine qu’un personnage réel, l’écrivain Gyula Krúdy, surnommé Sindbad, parti à la recherche de l’argent nécessaire à l’achat d’une robe pour sa fille et au règlement d’une facture d’électricité se laisse emporter par un impérieux besoin de flâner dans une ville dont chaque quartier ouvre les vannes de sa mémoire, inspire sa nostalgie et nourrit sa conviction que les Hongrois sont voués à la solitude des antihéros. « En effet, écrit Màrai, le peuple hongrois vit au milieu des grandes puissances slaves et germaniques dans la même solitude qu'une tribu bédouine dans le désert. Personne ne comprend sa langue. Ses caractéristiques ethniques et ses traditions ont plutôt tendance à être considérées comme un folklore exotique et non comme un ensemble organique faisant partie des civilisations qui l'entourent. Et tout ce qui est lié à ce peuple est comme recouvert de sable par la solitude. C’est sur cette Hongrie solitaire que Sindbad a écrit ». Bousculé par ses souvenirs comme une boule de billard électrique, Sindbad ne trouvera jamais l’argent de la robe et de la facture d’électricité. Il le regrettera moins qu’il ne le fera des hippodromes où l’on allait pour le plaisir de voir courir les chevaux et non pour gagner au tiercé, des bains où l’on traînait non par hygiénisme, mais parce qu’ils étaient les meilleurs salons où l’on cause, des cafés dont les maîtres d’hôtel donnaient leur avis sur les livres des écrivains qu’ils servaient, des fêtes que l’on donnait pour célébrer un homme qui avait réussi à vivre 40 ans sans jamais exercer un métier …"


L’Histoire n°504 (février 2023)

Marc-Olivier Padis

"Je vous recommande le numéro spécial consacré à l’Ukraine du magazine L’Histoire. Un numéro très bien construit, avec une clarification de l’historien Bruno Cabanes sur toutes les notions de crimes d’agression, crimes de guerre, crimes contre l’Humanité, génocide, autant de termes qui sont parfois employés indifféremment. En plus de ces distinctions très utiles, il y a également de très bons papiers sur l’état de l’armée russe, et bien sûr des éclairages historiques. Et en complément, puisque Mario Vargas Llosa a été récemment élu à l’Académie française, il y a un grand article sur la comédie humaine de cet auteur, par Gilles Bataillon, spécialiste de l’Amérique du Sud. "


Black Sea : un voyage culinaire entre Orient et Occident

Michel Eltchaninoff

"Je vous recommande pour ma part un livre de cuisine, pour nous réchauffer un peu. Celui-ci ne se contente pas d’aligner des recettes, il évoque aussi la culture qui va avec. C’est un très bel objet, dans lequel Caroline Eden nous fait voyager autour de cette mer assez peu connue, et aujourd’hui au centre de l’échiquier géopolitique. On va de la Roumanie à la Turquie, en passant par la Bulgarie, l’Ukraine … Il y a un grand chapitre sur Odessa, ville extraordinairement belle et aujourd’hui très menacée, construite à partir du XVIIIème siècle. Il y’a une très belle évocation du côté cosmopolite de la ville, ses influences italiennes, russes, ukrainiennes ou juives. Je vous invite par exemple à découvrir le Forshmak, un pâté de hareng mélangé à de la pomme Granny et à des radis. Je l’ai essayé et c’est tout à fait délicieux. Comme on disait dans les émissions culinaires des années 1960 : « vous étonnerez vos convives ». "