Les nouveaux masques de l’extrême-droite La radicalité à l’ère Netflix

Brève proposée par Béatrice Giblin dans l'émission Le premier tour : un faux déjà-vu / n°241 / 17 avril 2022, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Les nouveaux masques de l’extrême-droite La radicalité à l’ère Netflix

Béatrice Giblin

"Je vous recommande le livre de Raphaël Llorca. Il s’agit d’un petit livre, très intéressant pour éclairer nos propos sur Marine Le Pen, et la façon dont elle a adouci son discours, même si à regarder attentivement son programme, on s’aperçoit que rien n’a vraiment changé. L’auteur décrypte les codes esthétiques (les couleurs de ses vêtements, le regard toujours vers le haut, les vidéos de chat, etc.) tout ce qui a dédiabolisé la candidate du RN. Eric Zemmour a de son côté repris le créneau du candidat offensif, y compris sur ses affiches où il regarde bien droit. Ces décryptages aident à ne pas se laisser berner par les subterfuges des communiquants. "


Les autres brèves de l'émission :

Scélératesse de la loi PLM

Philippe Meyer

"Je m’attarde un instant sur le score dans sa propre ville de la maire de Paris au premier tour de l’élection présidentielle : 2,17%. Je voudrais le rapprocher de celui de l’abstention lors du second tour des municipales à Paris en 2020 : 63,29%. Indépendamment de la personnalité de la candidate, ceci me paraît être le fruit d’une loi, inventée par François Mitterrand pour sauver Gaston Defferre à Marseille, la loi dite « PLM » (Paris - Lyon - Marseille). Nous avions publié avec Robert Guédiguian (cinéaste marseillais) et le regretté Bertrand Tavernier (cinéaste lyonnais) une tribune pour en demander l’abrogation. Car cette loi aboutit à une situation que nous déplorons quand elle se passe de l’autre côté de l’Atlantique, comme lors de l’élection opposant Al Gore à George W. Bush, ou Hillary Clinton à Donald Trump : un candidat peut être battu alors qu’il a récolté un nombre de voix plus important que son adversaire. Car il y a des intermédiaires entre les citoyens et les candidats, et ce sont eux qui font l’élection. J’aimerais que les journalistes qui auront l’occasion d’interroger Emmanuel Macron et Marine Le Pen d’ici dimanche prochain leur demandent s’ils s’engagent à abolir cette loi qui mérite absolument le nom de loi scélérate. "


Au cœur de la finance utile A quoi sert votre épargne ?

Lionel Zinsou

"Une lecture élitaire et minoritaire, voire un peu austère cette semaine. Eric Lombard, grand serviteur de l’Etat, directeur de la Caisse des dépôts et consignations, signe ce livre qui explique son métier de patron de la plus grande institution financière française publique. L’instrument même du « quoi qu’il en coûte », et la maison mère de la BPI (Banque Publique d’Investissement), caractéristique du macronisme hyper-social-démocrate et hyper-Etat-providence. L’auteur fait partie de la tradition « rocardo-strauss-kahnienne » du pouvoir actuel. Le titre même du livre est paradoxal, puisque très peu de Français accepteraient de qualifier la finance d’utile. On y parle de la banque des territoires, et on traite d’un problème passionnant : comment change-t-on la géographie du pays par un certain type d’instruments et d’investissements ? On parle beaucoup de recréer des « cœurs de ville », d’un « urbanisme raisonné » (qui a ses opposants, notamment les écologistes). Comment se fait la politique économique des territoires ? Avant les législatives, le sérieux de ce livre ne fera pas de mal, pour éclairer la façon dont on crée du bien commun et de nouvelles solidarités dans les territoires. "


Algérie 1962 Une histoire populaire

David Djaïz

"On a célébré il y a quelques semaines les 60 ans des accords d’Evian dans une indifférence quasi-générale, alors que c’est un évènement considérable, tant pour l’Afrique que pour la France. C’est pourquoi je vous recommande ce très bon livre de l’historienne Malika Rahal. Il s’agit du récit des quelques mois qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie, vus d’Algérie, et surtout vus de la population. Le livre est très charnel, très sensoriel, on y entend beaucoup de cris, cela pétarade, tire, pleure … L’ouvrage est très bienvenu, car il y avait une espèce de trou noir de ce côté dans l’historiographie algérienne. Cette question algérienne est pour moi centrale, et je signale qu’il y a une proximité à ce propos entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Elle n’existe pas avec Marine Le Pen, ou Eric Zemmour, qui de leur côté sont dépositaires d’une tradition que Benjamin Stora a qualifié de « sudiste », qui n’a jamais accepté les équilibres résultant de l’indépendance de l’Algérie, et qui continue de travailler idéologiquement, et d’infuser en profondeur une partie du corps social. "


Commentaires sur les brèves

Jean-Louis Bourlanges

"Je n’ai pas préparé de brève, je rebondirai donc sur les vôtres. Quand on regarde l’histoire des relations franco-algériennes, on s’aperçoit à quel point le vote de la loi sur les aspects positifs de la colonisation en Algérie a été à l’origine d’une rupture morale très profonde entre la population d’Algérie et l’Etat français. Le fait d’introduire un critère de valeur dans la loi, qui n’était en réalité qu’un éloge de la France, absolument pas argumenté de surcroît, a été ressenti comme une gifle par la population algérienne. A propos de la loi PLM, il y a eu des corrélations intéressantes sur les réseaux sociaux. Par exemple entre le nombre d’électeurs parisiens qui ont voté Hidalgo à la présidentielle et le nombre de cyclistes fréquentant la Rue de Rivoli. On voyait que dans les deux cas, les chiffres étaient particulièrement modestes. Pourquoi la majorité n’a-t-elle pas changé cette loi inique ? Parce que les maires de Marseille et de Lyon étaient attachés à ce système, qui bien que profondément choquant, leur avait été favorable. On voit par là que toute réforme du mode de scrutin se heurte toujours à une espèce de terreur sacrée de la part de celui qui a été élu par ce mode que l’on veut changer. Il se dit qu’il ne faut pas changer le système qui a permis son élection. Mais il se trompe : ce qui lui permet d’être élu, c’est un climat favorable, pas un mode de scrutin. Cela me rappelle ce que disait Olivier Philip, grand préfet républicain : « si vous voulez gagner une élection, faites faire la loi électorale par votre adversaire : il veut tout gagner, il perd tout »."