Les brèves

Journal de guerre vol.2 : Roumanie - France - Suisse, 1943-1945

Richard Werly, créée le 05-05-2024

"Je me suis plongé avec beaucoup d’effroi mais beaucoup d’intérêt dans ce livre, qui nous raconte le pire de la France et le pire de la Suisse. Il s’agit du journal de Paul Morand. Ce volume commence quand Morand revient de Bucarest où il était diplomate, et qu’il il prend pour quelques mois l’ambassade française à Berne, alors que la France est encore occupée. Le journal de ces deux années couvre donc la libération de Paris et la mise en place du gouvernement De Gaulle alors que la guerre se poursuit, et il est tout à fait effarant. Ce n’est que de la petitesse, celle d’un écrivain talentueux qui ne pense qu’à une chose : récupérer ses fonctions, ses honneurs … Morand ne fait que dire des choses affreuses sur les Juifs, qui sont selon lui à l’origine d’à peu près tous les maux, tente de se convaincre que le gouvernement de Vichy a fait de son mieux … Cela donne également de la Suisse une image peu reluisante, ce pays qui a réussi à échapper à la guerre, et où tout le monde considère De Gaulle comme un escroc. Bref c’est aussi talentueux que dégoûtant."


Ce que la gauche doit à l’écologie

Lucile Schmid, créée le 05-05-2024

"Ce livre est signé de Christophe Fourel, Céline Marty et Clara Ruault. Christophe Fourel est économiste, proche d’Alternatives économiques, et c’était surtout un grand ami d’André Gorz, dont il assume une forme d’héritage intellectuel. Céline Marty et Clara Ruault sont philosophes. L’ouvrage nous propose de revisiter des concepts fondamentaux pour la gauche : croissance, économie, capitalisme … Le livre démontre parfaitement que les contenus de cette approche sont différents quand on y intègre la pensée de la nature, du moyen terme. On voit que dans le logiciel politique de la gauche, il y a des notions économiques et une relation à l’écologie beaucoup plus imbriquée que l’on ne l’imagine a priori."



La France sous leurs yeux

Marc-Olivier Padis, créée le 05-05-2024

"Je recommande cette exposition de photojournalisme, qui présente « 200 regards de photographes sur les années 2020 ». Elle se tient à la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, jusqu’au 23 juin. C'est un portrait de la France au sortir de la crise Covid. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, avait participé au plan de relance avec une grande commande publique aux photographes de presse dont le pilotage a été confié à la Bibliothèque nationale de France. C'est un condensé extraordinaire de reportages, de rencontres, d'explorations dans tous les territoires, auprès de tous les milieux. On voit beaucoup de portraits, de lieux de vie, de métiers peu représentés. Chaque photographe de presse a un projet, personne ne vagabonde au hasard - il s'agit d'une commande publique. Terrains de sport, villages oubliés, zones industrielles, territoires périurbains, la France est arpentée dans tous les sens. On est souvent surpris, avec un sentiment d'étrangeté plutôt que de déjà-vu. Une bonne manière de se dépayser en regardant notre pays."


Diên Biên Phu : les leçons d’une défaite

François Bujon de L’Estang, créée le 28-04-2024

"Nous sommes dans une époque friande de commémorations en tous genres. Le 7 mai prochain, ce sera celle de la chute de Diên Biên Phu, et j’observe un regain d’intérêt pour la guerre d’Indochine, et beaucoup de publications. Parmi elles, j’aimerais vous recommander l’ouvrage de Pierre Servent, historien reconnu. Il signe ici un livre qui se lit très agréablement. Servent nous raconte la bataille, mais surtout il explique les erreurs stratégiques qui ont été commises, qui rétrospectivement apparaissent flagrantes, mais qui ne l’étaient pas à l’époque. Il est évident que poursuivre la guerre d’Indochine pendant huit ans, si loin de la France métropolitaine, alors que le pays était épuisé par la seconde guerre mondiale, était un non-sens complet. Absurdité totale aussi dans le choix du site de la bataille : une cuvette extraordinairement vulnérable, très difficile à ravitailler … Un retour en arrière très utile pour éclairer les fronts d’aujourd’hui. "



Philosophie magazine Hors-série : Kant

Nicolas Baverez, créée le 28-04-2024

"Deuxième recommandation, plus positive : c’est le tricentenaire de la naissance d’Immanuel Kant. Pensons à cet homme de la liberté, de la raison pratique, de la paix perpétuelle. On comprend que son image soit absolument absente de sa ville natale, Königsberg (devenue Kaliningrad), ou que sa tombe ait été saccagée par les autorités russes. Mais le message demeure, et il mérite plus que jamais d’être entendu. Il y a un très bon numéro spécial de Philosophie magazine consacré au grand penseur."


L’Europe enfla si bien qu’elle creva

Richard Werly, créée le 28-04-2024

"Sylvie Goulard vient de publier ce livre, au titre provocateur. Sa thèse, expliquée avec force dans cet ouvrage, est que l’élargissement dans les conditions actuelles conduirait ni plus ni moins à la mort de l’UE telle que nous la connaissons. Ce n’est pas la première fois que Sylvie Goulard se prononce contre un élargissement irraisonné, elle l’avait déjà fait à propos de la Turquie. Le faire à propos de l’Ukraine est plus courageux, mais elle ne va pas toujours au bout de ses arguments. Par exemple, elle évite soigneusement de mettre en cause un certain nombre de dirigeants européens, notamment Ursula von der Leyen. Mais sur le plan de l’analyse des forces et des faiblesses de l’Union, c’est remarquable."


Dom Juan

Nicole Gnesotto, créée le 28-04-2024

"Je vous recommande le Dom Juan de Molière qu’a mis en scène Macha Makeïeff et qui se joue au théâtre de l’Odéon jusqu’au 19 mai. Ce ne sera pas facile, car le spectacle affiche complet, mais il sera repris à l’automne à Aix, et puis en tournée et sans doute à Paris. J’ai trouvé la mise en scène esthétiquement très belle : les couleurs, les lumières, la musique … et aussi très déroutante. Macha Makeïeff place cette histoire au XVIIIème siècle, et dans ce décor de velours, un Dom Juan, sale, mal fagoté, dépenaillé … C’est tout l’intérêt de cette mise en scène : le séducteur irrésistible est un minable, un pauvre type. Une version très moderne, féministe et très intelligente de ce texte éternel. On a l’habitude d’un Dom Juan séducteur mais engagé dans le libertinage, philosophe, rebelle … Ici, le personnage est sans conviction, presque victime de lui-même et c’est très intéressant."


Post-populisme

Nicolas Baverez, créée le 28-04-2024

"Je vous recommande ce livre de Thibault Muzergues. Il pointe qu’il y a désormais deux extrême-droites : la première est populiste, c’est celle de Marine Le Pen en France ou de l’AfD en Allemagne, qui ne se porte pas très bien. Et comme souvent, l’Italie est un laboratoire politique. Giorgia Meloni a été sous-estimée : elle a réussi à créer un post-populisme. Très conservatrice sur les questions sociétales, très dure sur l’immigration, libérale sur l’économie, atlantiste et opposée aux empires autoritaires. C’est assez proche de ce que défend quelqu’un comme Jordan Bardella."


La france sous haute tension : colères, anxiétés et ressentis

Richard Werly, créée le 21-04-2024

"Je vous recommande ce petit livre, dont notre amie Lucile Schmid est l’une des coauteurs. Je le trouve très intéressant sur un point essentiel : l’importance du ressenti. Nous évoquions aujourd’hui la possible ferveur à propos des J. O. Et elle dépend entièrement du ressenti. Si celui-ci bascule dans le positif, pas seulement à cause des performances des athlètes, mais parce qu’on a le sentiment que la France et Paris ont quelque chose à y gagner, alors ces jeux seront une réussite. Dans le cas contraire, il y a de quoi s’inquiéter, car la France et les Jeux sont effectivement sous haute tension."


Étienne Dinet, passions algériennes

Nicole Gnesotto, créée le 21-04-2024

"Ma deuxième brève est le contraire d’une recommandation, il s’agit plutôt d’une dissuasion. Gagnez du temps, et épargnez-vous cette exposition de l’Institut du monde arabe. La plupart des journaux nous l’ont présentée comme quelque chose de très important et de formidable, alors que cela n’a qu’un intérêt tout à fait anecdotique. D’abord, l’exposition est toute petite (une quarantaine d’œuvres en tout et pour tout), et même si le personnage de Dinet est intéressant (un peintre français tout ce qu’il y a de plus classique de la fin du XIXème siècle, qui tombe amoureux de l’Algérie, se convertit à l’islam, traduit et illustre une vie de Mahomet), son œuvre n’a pas un intérêt fou … "