LES INTERVENANTS

Jean-Luc Racine

Directeur de recherche émérite au CNRS, Jean-Luc Racine est aussi chercheur senior au think tank Asia Centre, à Paris. À la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH), dont il a été directeur scientifique de 2009 à 2013, il a dirigé de 1992 à 2001 le programme franco-indien de coopération en sciences sociales et, de 2001 à 2010, le Programme International d’Études Avancées conduit en partenariat avec l’Université Columbia. De 2004 à 2008 il a mis sur pied et dirigé, pour le Ministère des Affaires étrangères, la cellule de valorisation du réseau desinstituts français de recherche à l'étranger. De 2008 à 2010, il a été membre du comité de pilotage scientifique du nouvel l’Institut d’Études Avancées de Paris. De 2013 à 2016 il a présidé le conseil scientifique de la Bibliothèque Universitaire des Langues et Civilisations (BULAC). Il est membre du conseil scientifique du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques, (CSFRS) ainsi que d’instances de recherche indienne, pakistanaise et européenne. Il travaille sur les dynamiques de transformation internes de l'Inde contemporaine, sur les modes d'insertion de l'Inde émergente dans le nouvel ordre mondial, ainsi que sur la géopolitique de l'Asie du Sud, particulièrement en ses points sensibles : paradigme stratégique du Pakistan, relations indo-pakistanaises et politique étrangère indienne, Cachemire, Afghanistan, politique sud-asiatique de la Chine. Dans le cadre de l’International Panel for Exiting Violence, porté par la FMSH et Carnegie, il est membre du groupe de travail « Indépendantisme, séparatisme, irrédentisme et construction de l’Etat». Ses dernières missions (2014-2017) l’ont mené en Inde, au Pakistan, en Afghanistan, au Kurdistan irakien et dans l’Océan indien. En 2017 il a été Visiting Professor à l’Indian Institute of Advanced Studies de Shimla (Inde). Il intervient régulièrement dans les médias écrits et audio-visuels français et internationaux (France Culture, Radio France Internationale, France 24 en particulier), dans les milieux stratégiques, et dans les institutions d’études internationales. Il siège au comité scientifique de la revue Questions Internationales, au conseil éditorial de la revue anglo-américaine The India Review, et à celui de la revue en ligne Samaj . De 2013 à 2016, il a dirigé l’annuaire « Asie » publié par la Documentation française.

 

Les brèves proposées par Jean-Luc Racine:

New Delhi et le monde

"Un demi-siècle après le règne flamboyant de Nehru, l’Inde est de retour sur la scène internationale. Les successeurs immédiats de Nehru avaient été contraints de se concentrer sur leur région, l’Asie du Sud, le théâtre de tant de guerres au cours des années 1960-1980. Si la vision du monde de Nehru était plutôt globale et idéaliste celle de sa fille et de son petit-fils fut donc plutôt régionale et réaliste. Depuis les années 1990, l’Inde est gouvernée par des hommes qui ont voulu accroître la force de frappe de l’Inde – notamment au plan militaire – et qui ont donc, de nouveau, les moyens de mener une politique globale. Ils ont choisi de le faire sur un mode réaliste, ce qui semble trancher avec la méthode nehruiste. Ce contraste apparent mérite ici d’être nuancé. Certes, l’engagement de Nehru au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes l’aurait conduit à s’impliquer davantage que les gouvernants actuels au Népal et en Birmanie. Certes aussi, Nehru aurait répugné à se rapprocher des États-Unis autant qu’eux. Du coup, on est en droit de regretter le non-usage de sa puissance toute neuve par l’Inde car tout se passe comme si la quête de cette puissance était devenue une fin en soi. Mais le fil rouge qui court sur toute la période reflète une continuité fondamentale : la volonté d’indépendance nationale qui sied à un grand pays porteur d’une civilisation à part entière. Ce sentiment national – ce nationalisme devrait-on dire – forme un socle commun à toutes les forces politiques du pays. Ainsi, on voit la gauche communiste et la droite nationaliste hindoue se retrouver aujourd’hui pour condamner un accord nucléaire avec les Etats-Unis qui entame à leurs yeux l’indépendance nationale. Mais Manmohan Singh, le signataire de l’accord, n’est certes pas prêt à hypothéquer cette indépendance nationale. Il ne s’agit pas pour lui d’aliéner la souveraineté nationale mais, de façon pragmatique, d’obtenir l’appui des Etats-Unis pour accélérer la montée en puissance de l’Inde. Manmohan Singh serait donc moins un réaliste qu’un pragmatique."


L'Inde et l'Asie

"Depuis près de vingt ans, l’Inde a changé d’image : les réformes économiques engagées à compter de 1991 et les essais nucléaires de 1998 ont témoigné de sa volonté de s’affirmer comme une puissance émergente. Elle est désormais reconnue comme telle, y compris par la Chine. Après la longue césure de la colonisation et de la guerre froide, le retour de l’Inde dans un continent en mouvement dessine une nouvelle Asie, plus vaste, plus peuplée, plus complexe que la seule Asie orientale. Cette évolution fait naître de nouveaux équilibres sur un échiquier où jouent, entre autres acteurs, l’Inde, la Chine, le Japon, les États-Unis, et les voisins de l’Inde, ceux de l’Asie du Sud comme ceux du « voisinage étendu » qui court du Moyen-Orient à l’Asie du Sud-Est. Ce « grand jeu » contribue à redessiner peu à peu un nouvel ordre mondial, dans lequel les puissances dominantes occidentales doivent apprendre à redéfinir leurs relations avec une Asie nouvelle. En trois étapes qui analysent la « présence du passé », le nouvel échiquier géopolitique et les enjeux économiques de l’Asie en mouvement, cet ouvrage réunissant historiens, économistes et géopolitologues, spécialistes de l’Inde, mais aussi de la Chine, du Japon et de l’Asie du Sud-Est, éclaire de façon inédite les voies multiples par lesquelles l’émergence du pôle indien dynamise l’ensemble de l’Asie et, au-delà, appelle à repenser les relations Nord-Sud."


Un monde d’inégalités

"Depuis plusieurs années, et singulièrement après la crise financière de 2008, les inégalités sont redevenues un thème d’actualité. Des best-sellers internationaux se consacrent à cette question trop longtemps négligée. Des ONG publient des chiffres alarmistes qui illustrent le fossé croissant entre les pauvres, qui paraissent toujours plus nombreux et vulnérables, et les ultra-riches, qui ne savent plus comment dépenser leurs gigantesques fortunes. D’Athènes à Caracas, de Madrid à New York, de Hong Kong à Ouagadougou, les mouvements populaires qui placent la lutte contre les inégalités au cœur de leur programme se multiplient et prennent de l’ampleur. Mais, derrière les slogans, comment appréhender et mesurer précisément ces inégalités qui pèsent de plus en plus sur l’agenda international ? Politiques, économiques, sociales, raciales, culturelles ou sexuelles : comment s’enchevêtrent les différentes facettes des inégalités ? Pourquoi les institutions internationales, elles-mêmes très inégalitaires, échouent presque toujours à atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés en matière de « développement » ? Pourquoi l’accès à l’alimentation, au logement, à l’éducation ou à la santé reste-t-il à ce point inégalitaire ? L’injustice ressentie par de nombreuses populations favorise-t-elle les conflits et la violence politique ?"